Le temps n’a point de rive… mais il a des jalons

 Par Mansour M’henni 

Chaque fin d’année est un repère qui nous redonne conscience de la fuite du temps et surtout de notre impuissance à nous en accommoder autrement que par l’action, en temps et lieu, ni trop tôt ni trop tard. 

On profite certes de l’occasion pour faire la fête, histoire de positiver dans un semblant d’inconscience, mais le drame d’une indomptable impuissance ne cesse de nous interpeler en notre for intérieur.
Cela est vrai pour chacun, en soi, tout autant que pour la société où l’on se voit… où l’on se noie.
Il n’est point de mon propos de faire ici l’étalage de ma façon personnelle de vivre cette douleur laborieuse qui me donne l’air de battre de l’aile juste au moment où la conscience du temps qui passe me pousse à donner le meilleur de moi-même, parfois dans un fou désir d’atteindre l’impossible.
Je ne voudrais cependant pas manquer à mon devoir de souligner ce que je crois devoir être pensé en société au regard de ce qui se devrait pour essayer d’éviter à notre barque collective les affreux naufrages que lui vaudraient son inconscience du temps qui fuit.
Je le dis sans détours : « Méfions-nous des discours qui sonnent les tambours d’une révolution, puis nient la rotation ! »
En effet, de telles harangues ont souvent pour objet, au départ, de mobiliser en faveur d’un changement rapide et violent qu’elles nomment « Révolution » ; puis de dilater l’impatience des gens dans l’implacable logique qu’il faut du temps, des temps très longs, pour que se confirment les objectifs de cette Révolution !
On cherche dans l’Histoire des exemples à donner comme des arguments probants, en oubliant de souligner tous leurs dérapages et tous leurs arbitraires ayant fait perdre, souvent, le temps de vie de plusieurs générations.
Une révolution qui mérite bien son nom est celle qui s’inscrit dans la logique du temps, sa logique mathématique qui relève de la révolution des astres et des étoiles, ou du mouvement des objets dits en révolution, en rotation ouverte de telle façon qu’elle ne méprise ni n’insulte le passé, toujours riche d’enseignements, qu’elle ne rate, par distraction ou par insouciance, aucun instant présent, et qu’elle ne perde jamais de vue son objectif essentiel, celuid’un avenir meilleur pour l’ensemble de la société concernée et impliquée.
Aujourd’hui donc en Tunisie, plus que jamais peut-être, enrichis des leçons du passé, le proche et le lointain, nous sommes en devoir de prendre collectivement conscience de nos urgences et de faire ce qu’il faut à cet effet, sans nulle perte d’un temps précieux dont nous ressentons déjà les méfaits sanctionnant notre manquement à l’attention et aux obligations que nous lui devons.
Force alors est de rectifier notre intelligence de l’acte, supposé transformateur, que nous avons appelé « Révolution », en le concevant d’abord comme une conscience du temps qui fuit et de notre devoir d’y adapter nos réalisations.
Curieusement, chaque fois que cette question des acquis de ladite révolution est posée, on nous sort la liberté d’expression, dans une ignorance choquante de plusieurs rendus contreproductifs de cet acquis, surtout qu’il a été utilisé pour camoufler tous les inaccomplis qui ne sont ni moins importants ni moins urgents que lui. 
Prenons d’abord conscience que nulle liberté n’est possible sans un sentiment de bien-être qui ne peut naître que de bonnes conditions économiques, sociales et intellectuelles.
Autrement, tout ce qui se dit ou qui semble se faire ne serait qu’une lamentable inconscience du temps qui passe et, bel et bien, un « complot » contre la sûreté et le respect des droits citoyens au bonheur du vivre-ensemble.