Les députés britanniques reconnaissent l'Etat palestinien
Par Khalifa Chater :
Les députés britanniques se sont prononcés lundi 13 octobre 2014, pour la reconnaissance d’un Etat palestinien. La motion qui a recueilli 274 voix contre 12 constitue une décision historique.
La motion avait été déposée par le député travailliste Grahame Morris et a obtenu l’appui de nombreux députés du Labour et des partis conservateur et libéral-démocrate au pouvoir. Se référant au mandat britannique sur la Mésopotamie et sur la Palestine au XXe siècle, le député conservateur Alan Duncan, ancien secrétaire d’Etat au développement international a affirmé que «La Grande-Bretagne a une responsabilité historique et morale» de reconnaître l’Etat de Palestine. Certes, le vote ne contraint pas le gouvernement, à la mettre en application. Mais peut-il l'ignorer. D'ailleurs, la motion appelle le gouvernement britannique à «reconnaître un Etat palestinien aux côtés de l’Etat d’Israël» comme une «contribution pour assurer une solution négociée consacrant deux Etats» dans cette région. Ce vote montre un changement évident de l'opinion internationale sur la question palestinienne, scandalisée par la dernière agression, contre Gaza. Dix jours plutôt, la Suède, avait annoncé qu’elle allait reconnaître l’État de Palestine.
Un changement d'attitude significatif :
Le Royaume Uni a été, en effet, le grand défenseur de l'Etat Israélien. Sa création fut annoncée et soutenue par la Déclaration Balfour de 1917. Dans une lettre ouverte adressée à Lord Lionel Walter Rothschild (1868-1937), publiée le 2 novembre 1917 par Arthur James Balfour, le ministre britannique des Affaires Étrangères, le Royaume-Uni se déclara en faveur de l'établissement en Palestine d'un foyer national juif. Cette déclaration est considérée comme une des premières étapes dans la création de l'État d'Israël. Depuis lors, le Royaume Uni n'a cessé de se ranger dans le camp israélien, faisant valoir la tragédie de la shoah et la culpabilité occidentale. On sacrifia la Palestine, pour réaliser cette occupation du terrain, confortée par le retour de la diaspora. Les Britanniques évacuent la Palestine, le 5 mai 1948, en laissant le contrôle de leurs bases militaires aux Israéliens. Ils laissent le Général britannique Glubb Pacha à la tête de la Légion arabe de Transjordanie pour la commander, et des officiers britanniques pour l'encadrer. Qu'il suffit de rappeler, par ailleurs, la guerre de Suez, engagée par le Royaume Uni, la France et Israël.
Un changement d'attitude est esquissé, après la poursuite de la colonisation et du blocage du processus de paix. "Israël a perdu le soutien en Grande-Bretagne et dans d'autres pays européens au fil du temps en raison des constructions juives en Judée Samarie", a déclaré le secrétaire au Foreign Office, William Hague, dans une interview avec Sky News publiée le 23 mai 2013. Le secrétaire au Foreign Office a ajouté : "nous sommes fortement en désaccord avec les colonies en territoire occupé. Israël est un pays avec lequel nous travaillons de nombreuses façons, mais nous désapprouvons les colonies.". Traduction de cette attitude dans les faits, après la dernière agression contre Gaza, le Parlement britannique a reconnu l'Etat palestinien.
Portée du retour des normes démocratiques du parlement britannique :
Des nations européennes comme la Pologne ou la Bulgarie ont reconnu l’Etat palestinien en 1988, alors qu’elles faisaient encore partie du bloc soviétique. Au total, l’autorité palestinienne se prévaut de la reconnaissance de 134 pays, dont le Brésil et l’Argentine. Le Royaume-Uni s’était abstenu en 2012, lors du vote sur le statut d’Etat observateur à l’ONU pour la Palestine. Certes, le vote des députés britanniques ne va rien changer dans l’immédiat puis que le gouvernement de David Cameron ne sera pas contraint de s’y conformer. Mais la motion remet en cause la position anglaise et aura des conséquences, à plus ou moins longs termes. Fait significatif, la diplomatie française a répété, tenant compte du repositionnement du parlement britannique, le jour même, qu'il "faudrait bien, à un moment, reconnaître l’Etat palestinien», des mots déjà utilisés par le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, cet été.
Le ministère des affaires étrangères israélien a réagi en estimant que cette «reconnaissance internationale prématurée sape les chances d'atteindre une paix véritable». Mais la communauté internationale rejette ce discours de dupes, bien convaincue de la responsabilité israélienne, dans le blocage du processus de paix. Les démocrates espèrent "un effet boule de neige en Europe" de la motion britannique (Libération, 14 octobre 2014). Peut-on s'attendre à la fin du dernier régime colonial, faisant valoir la discrimination et transgressant le droit onusien, de l'autodétermination des peuples ?
