Une réactualisation du conflit coréen


Pr. Khalifa Chater
Survivance de la guerre froide, le conflit entre la Corée du Nord et la Corée du Sud remet à l'ordre du jour un éventuel affrontement, qui affecterait la communauté internationale. La guerre de Corée résulte de la division de la Corée à la suite d'un accord entre les Alliés victorieux de la guerre du Pacifique à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
La péninsule coréenne était occupée par l'empire du Japon depuis 1910. Après la reddition du Japon en septembre 1945, États-Unis et Union soviétique se partagèrent l'occupation de la péninsule le long du 38e parallèle, avec au sud des forces américaines d'occupation et au nord des forces soviétiques. Le Nord a mis en place un gouvernement communiste, tandis que le Sud met en place un gouvernement libéral. La guerre a opposé du 25 juin 1950 au 27 juillet 1953, la République de Corée (Corée du Sud), soutenue par les Nations unies, à la République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord), soutenue par la République populaire de Chine et l'Union soviétique. En fait, les États-Unis fournirent 88 % des 341 000 soldats internationaux qui aidèrent les forces du Sud, complétés par l'assistance de vingt autres pays. L'Union soviétique fournit de l'aide matérielle aux armées chinoise et nord-coréenne, mais s'abstint d'envoyer des troupes sur le terrain. Depuis lors, la guerre de Corée fut régulièrement suivie d’épisodes de confrontations militaires où la Corée du Nord fait valoir la menace nucléaire. Le conflit s'inscrivait dans la guerre froide et suscitait volontiers l'intervention des USA, en faveur de la Corée du Sud et de la Russie et de la Chine, en faveur de la Corée du Nord.
Or, les rapports de forces ont changé depuis lors. Réussissant sa relance économique, Séoul est membre du G20, en tant que puissance économique. Elle souhaite s'affirmer, comme membre de la communauté internationale, vivant mal "le décalage entre son poids économique croissant et sa puissance géopolitique, qui reste encore limitée". D'autre part, elle aurait souhaité, à l'instar de l'Allemagne, réaliser une éventuelle unification avec le régime de la Corée du Nord. Elle considère, régime de Pyongyang, comme une séquelle de la guerre froide.
En représailles à une attaque à la mine antipersonnelle, imputée à la Corée du Nord, dans laquelle deux de ses soldats avaient été mutilés, le 4 août, la Corée du Sud a décidé de reprendre sa guerre de propagande - une pratique que les deux pays avaient cessée en 2004, d'un commun accord. Les deux pays sont au bord d'un conflit armé. La Corée du Nord et la Corée du Sud ont entamé, le 22 aout 2015, des discussions, après l'expiration d'un ultimatum de la Corée du Nord, qui avait menacé son rival d'une « guerre totale », s'il ne cessait pas sur-le-champ ses opérations de propagande. Séoul refusa de battre en retraite et réclama des excuses de Pyongyang, lequel dément toute responsabilité dans ces explosions. La Corée du Sud avait fait savoir qu'elle n'avait pas l'intention de céder aux injonctions de son voisin et qu'elle ne ferait pas taire ses haut-parleurs qui diffusent à plein volume des messages à la frontière.
La crise est suivie de près par les pays voisins, et au delà. La Chine et le Japon ont appelé à la retenue. Les Etats-Unis, qui déploient en permanence près de 30.000 hommes en Corée du Sud, ont assuré Séoul de leur engagement à contribuer à la défense de cet allié clé en Asie. Séoul et Washington sont en train d'étudier le déploiement éventuel "d'atouts militaires stratégiques américains" dans la péninsule, a déclaré le ministère sud-coréen de la Défense, sans autre précision.
Ces situations de tensions et affrontements sporadiques, constituent-elles "un moyen de pression diplomatique, dont le régime totalitaire est coutumier, ou d’une réelle remise en cause de la paix régionale ?" (Julien Théron, site Géopolitique des conflits, le 04/04/2013). Peut-on l'expliquer par " une doctrine militaire fondée sur l’offensive, la prépondérance de l’armée de la Corée du Nord, dans la société qui renforcer la prééminence des responsables militaires au cœur du régime, ou de l'Isolationnisme diplomatique du régime de Pyongyang qui a, en effet, toujours entretenu une autonomie aussi grande que possible, en ne s’alignant ni sur l’URSS ni sur la Chine maoïste. C'est ainsi que des observateurs avertis expliquent la politique de la Corée du Nord, sous la guerre froide et qui s'est poursuivi, dans l'ère post-bipolaire (Ibid.). Mais la donne a changé en Corée du Sud. Depuis son élection fin 2012, La présidente sud-coréenne Park Geun-Hye a mis un point d'honneur à mener une politique de fermeté vis-à-vis de la Corée du Nord. Elle refuserait tout compromis. Elle déclara, le 24 aout, à Séoul : "Nous ne battrons pas en retraite face aux menaces nord-coréennes. La Corée du Sud répondra à toute nouvelle "provocation" par des "représailles" des plus "fermes". Montée des périls ou plutôt des surenchères, wait and see.


